Niurka, membre de l’association Avec Toits et chroniqueuse littéraire, vous partage chaque mois ses livres coup de cœur sur les questions migratoires. Ouvrez ces fenêtres, pour lire le monde !

Ce mois-ci, elle vous présente une BD et un essai historique/sociologique.

Bonne lecture !

Les Portugais.

Olivier Afonso (scénario), Chico (dessin), et Émilie Rouge (couleurs), Les Arènes, 2022.

Les Portugais

Retour sur le destin des jeunes hommes qui, dans les années 1960-1970, ont fui la guerre coloniale pour se réfugier en France à la recherche d’une vie meilleure. Avec « Les Portugais », Olivier Afonso et Chico signent une chronique douce-amère, pleine de tendresse, pour faire mémoire d’un exil de masse qui a marqué l’histoire des deux pays. Une vraie réussite !

Août 1973. Depuis plus de dix ans le Portugal de Salazar est embourbé dans un sanglant conflit colonial en Afrique de l’Ouest. Comme des dizaines de milliers de ses compatriotes, le jeune Mario préfère l’exil en France à la « sale guerre » en Angola. En passant clandestinement la frontière, il se lie d’amitié avec Nel, qui fuit lui aussi la conscription. Les deux garçons rêvent de s’installer à Paris. Après avoir été embauchés dans une ferme, ils réussissent à gagner la capitale. Mais loin d’y couler des jours heureux auprès des belles filles qui les faisaient rêver sur les calendriers, ils se retrouvent à travailler dans des conditions précaires sur les chantiers de banlieue et à dormir dans un bidonville. Mais de ce quotidien harassant surgissent peu à peu l’espoir et la liberté.

Loin de tout misérabilisme, Olivier Afonso raconte ici avec beaucoup de tendresse une histoire inspirée de celle de ses propres parents. Une vie dure, âpre, souvent injuste, mais une vie faite aussi de petits bonheurs, d’honneur, d’amour et d’amitié. On s’attache à tous les personnages du bidonville, qu’ils jouent aux bravaches, qu’ils se murent dans le silence, qu’ils rient, pleurent ou se mettent en colère. Tous rêvent de jours meilleurs et entendent bien parvenir à leurs fins. Le lecteur prend plaisir à découvrir ces tranches de vie tour à tour drôles et émouvantes.
L’histoire vaut aussi pour son aspect documentaire, sur un sujet jusqu’ici très peu traité dans la BD.

On y découvre le quotidien d’hommes et de femmes confrontés à l’exil : les mauvais coups des passeurs, le rôle ingrat des chefs de chantier, partagés entre les intérêts de leurs hommes et ceux d’employeurs sans scrupules, la solidarité ou, au contraire, la rivalité entre les différentes
communautés immigrées.

L’annonce de la Révolution des Œillets et de la chute de la dictature salazariste en avril 1974 donne lieu à une très belle scène de bal, traitée avec beaucoup de grâce par le crayon de Chico. Ce dernier nous offre un dessin très expressif et d’une grande fluidité, dans un style à la Christophe Blain. Les planches sont bien rythmées, alternant grandes évocations silencieuses, brouhaha des groupes au travail ou rassemblés au bar, scènes intimistes, dialogues savoureux. La reconstitution de la vie dans le bidonville fait penser aux photographies de Gérald Bloncourt, présentées il y a quelques années au Musée de l’histoire de l’émigration dans le cadre de l’exposition « Une vie meilleure ».

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La fracture coloniale : La société française au prisme de l’héritage colonial.

Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, et Sandrine Lemaire, La Découverte, 2005.

Paru en 2005, le travail abordé autour des
colonisations et de leurs conséquences qui se
font encore sentir lourdement aujourd’hui,
notamment en France, mérite sa lecture très
informative, une lecture abordable et nécessaire
pour comprendre ce qui s’est dessiné dans la
période postcoloniale et ce qui se dessine
aujourd’hui. Un livre à se passer de main en
main. 
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La fracture coloniale